L’euro fort inquiète
”L’euro est beaucoup trop fort face au dollar ”, ce genre de commentaire est devenu des plus courants dans la bouche des chefs d’entreprises européens. Devenue bien replète, la monnaie commune est aussi une source de tracas pour les patrons en Finlande, constate M. Eljas Repo, Rédacteur en chef du journal Arvopaperi (Titres et Valeurs)
Ces préoccupations sont fondées, car l’euro fort pénalise les entreprises exportatrices qui voient leurs résultats entamés et leur compétitivité mise à mal. Les cours de change, il est vrai, n’expliquent pas la réussite ou l’échec des entreprises dans la concurrence internationale.
On ne reprochera pas à la compétitivité de l’industrie finlandaise de manquer de vigueur; la monnaie elle-même ne constitue plus un avantage comme aux jours où l’euro était faible. En Finlande, la productivité de l’industrie croît plus rapidement que dans la zone euro, en moyenne, et dans le pays le savoir-faire technologique est du plus haut niveau.
Les résultats réalisés l’an dernier par les sociétés inscrites sur la liste principale de la Bourse d’Helsinki reflètent les difficultés que connaît l’industrie exportatrice. Les bénéfices des entreprises de la filière bois-papier et de la métallurgie – elles vivent du commerce extérieur – ont fondu par rapport à ceux engrangés un an plus tôt. Par contre, dans les autres branches d’activités, l’évolution du résultat a été favorable.
Les sociétés cotées en bourse ont fait un résultat global nettement supérieur à dix milliards d’euros. Si l’industrie forestière et la métallurgie avaient eu le vent en poupe, le résultat record de 13 milliards d’euros aurait été sérieusement menacé ; atteint il y a quatre ans, il semblait hors d’atteinte encore tout récemment.
L’année 2003 a été marquée par une bipartition singulière. En terme de résultat, l’industrie forestière et la métallurgie venaient en effet assez loin derrière les autres branches. Une bipartition qui reflète bien la situation générale de l’économie finlandaise : le marché domestique se porte bien, tandis qu’au chapitre du commerce extérieur la machine semble grippée.
La vigueur de l’euro explique, en partie, la relative apathie de l’industrie exportatrice. La principale cause de ce grippage doit cependant être cherchée dans la conjoncture internationale, maussade, et avant tout dans la faiblesse de la croissance économique de l’Allemagne.
En période de conjoncture basse, les entreprises forestières et métallurgiques finlandaises ont élagué leurs dépenses et adapté leurs activités. À l’occasion, les mesures d’assainissement ont été critiquées sans ménagement dans le débat. La décision de fermer l’usine Wärtsilä de Turku, qui fabrique des moteurs maritimes, et de transférer la production à Trieste, en Italie, a suscité un vif émoi.
L’éclaircie est-elle pour bientôt?
Malgré la morosité de l’année qui vient de s’écouler, l’industrie finlandaise peut envisager l’avenir avec une certaine confiance. S’il faut en croire les économistes, la relance de l’économie mondiale devrait être vigoureuse cette année et l’an prochain. Si tout se passe comme prévu, le pic conjoncturel sera atteint cette année aux Etats-Unis, et l’an prochain en Europe. De quoi devrait donner un coup de fouet à l’industrie forestière et à la métallurgie !
Producteur de métaux nobles et de cuivre, Outokumpu compte parmi les entreprises dont on peut penser que la relance de l’économie mondiale aura pour effet d’améliorer vigoureusement le résultat. La spécialité d’Outokumpu, ce sont les métaux utilisés dans la fabrication des produits associés à un haut niveau de vie. Quand les rouages de la machine économique tourneront à plein régime, la demande fera donc vraisemblablement un sérieux bond en avant. Dans son usine de Tornio, en Finlande du nord, Outokumpu a procédé à des investissements sans précédent dans le pays. Ces efforts porteront leurs fruits, estime-t-on, lorsque l’on sera sur la crête de la hausse conjoncturelle.
Les géants de l’industrie forestière que sont UPM et Stora Enso attendent fiévreusement, eux aussi, des temps meilleurs. Victimes de l’euro fort, les deux groupes ont surtout souffert de la désastreuse évolution des cours du papier. Durant l’année en cours, la consommation de papier devrait augmenter. La planète connaîtra en effet des événements majeurs comme les élections présidentielles américaines, les Jeux olympiques d’été à Athènes et le Championnat d’Europe de football au Portugal.
Dividendes – printemps faste en Finlande
Les sociétés finlandaises versent ce printemps des dividendes qui atteignent un montant record. Certaines paient même à leurs actionnaires plus que le bénéfice qu’elles dégagent dans le dernier exercice. C’est le cas du manufacturier sous contrat Elcoteq, de la compagnie aérienne Finnair, du géant de la vente au détail Kesko, de la compagnie pharmaceutique Orion et du groupe de la finance Sampo.
Le montant des dividendes versés par les sociétés cotées à la Bourse d’Helsinki et figurant sur la liste principale atteint 5,5 milliards d’euros. Ce chiffre approche d’un demi-milliard le record absolu, versé au printemps 2000. L’économie finlandaise connaissait alors sa période la plus florissante.
Les dividendes rondelets versés ce printemps ne s’expliquent par un brusque souffle de générosité ; le gouvernement finlandais envisage en effet des modifications fiscales qui feront place à un durcissement de l’imposition des dividendes. Les sociétés cotées en bourse distribuent à leurs actionnaires le maximum en leur pouvoir.
Depuis le début des années 1990, le régime de l’avoir fiscal était d’application en Finlande. En d’autres termes, le versement du dividende était net d’impôt, puisque l’entreprise avait déjà payé les impôts, perçus sur son bénéfice.
Le gouvernement conduit par le Premier Ministre Matti Vanhanen se propose de ramener, l’an prochain, l’impôt des sociétés de 29 à 26% et d’abandonner le régime de l’avoir fiscal. À l’avenir, les actionnaires devraient débourser en impôt environ 20% des dividendes qu’ils touchent. Ce remaniement de l’impôt sur le dividende, le gouvernement le justifie par sa volonté d’adopter la pratique qui prévaut généralement en Europe.
La réforme favorise Nokia – dont le domicile fiscal reste en Finlande – car la grande majorité des actionnaires du groupe ne sont pas des Finlandais. Par ailleurs, Nokia profite de la baisse de l’assiette de l’impôt sur les bénéfices. L’emploi de ces derniers pour racheter ses propres actions, pratique qui a cours chez Nokia, reste un moyen auquel le fisc finlandais ne touche pas.
Parmi les investisseurs, les mesures fiscales annoncées sont vertement critiquées. Les représentants du monde financier lancent cette mise en garde : le durcissement de l’impôt sur les dividendes n’est pas pour attirer les investissements, bien au contraire !
Les entreprises qui distribuent des superdividendes sont principalement les sociétés boursières qui s’appuient sur un solide actionnariat finlandais. Les perspectives fiscales envisagées par le gouvernement Vanhanen ne sont pas pour ébranler les convictions des investisseurs étrangers. Eva Liljeblom, professeur à la fameuse Hanken (l’École supérieure de Commerce de langue suédoise d’Helsinki), a estimé que l’actionnariat étranger pourrait bien augmenter à la Bourse d’Helsinki, car les grands investisseurs étrangers toucheront des dividendes moins lourdement imposés que ceux versés aux Finlandais.
Eljas Repo et Tommi Melender
mars 2004